Résumé
Ce rapport, publié conjointement par la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH), présente une analyse des tendances en matière lutte contre l’impunité en DRC du 1 janvier 2014 au 31 mars 2016. Il décrit les progrès réalisés par les autorités congolaises dans l’adoption de lois et mécanismes judiciaires efficaces en faveur de la lutte contre l’impunité et des poursuites engagées afin de traduire en justice les responsables de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Il identifie également les défis encore nombreux entourant la mise en œuvre effective de la lutte contre l’impunité et propose des recommandations pour surmonter ces obstacles.
La poursuite en justice des responsables de violations ou abus des droits de l’homme est un devoir des autorités et des institutions de l’Etat en République démocratique du Congo (RDC) envers la société congolaise et plus particulièrement les victimes de ces violations. Une justice efficace est un facteur important de dissuasion pour prévenir de futures violations des droits de l’homme et constitue une fondation pour la paix et la stabilité. Après des décennies de conflit, la RDC s’efforce d’établir un système qui systématise et enracine la poursuite et responsabilité pénale des auteurs de violations ou abus de droits de l’homme. Ce rapport entend identifier les progrès et les défis dans ce domaine.
La lutte contre l’impunité constitue un aspect essentiel du mandat de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). La résolution du Conseil de sécurité 2277 du 30 mars 2016 contient des dispositions claires sur la nécessité de poursuivre en justice les auteurs de violations ou abus graves des droits de l’homme et de violations du droit international humanitaire. Depuis sa création en février 2008, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) s’est engagé dans la lutte contre l’impunité conformément au Plan de gestion stratégique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et en application des résolutions du Conseil de sécurité, en vue de consolider la paix dans le pays, fondée sur le respect des droits de l'homme.
Le présent rapport fait suite au rapport du projet Mapping publié par le HCDH en août 2010, qui a documenté 617 cas de graves violations ou abus des droits de l’homme et du droit international humanitaire commis par des acteurs nationaux et internationaux en RDC entre mars 1993 et juin 2003, dont la plupart demeurent impunis à ce jour. Le rapport Mapping conclue en identifiant trois axes prioritaires de réformes institutionnelles afin de renforcer la politique de justice transitionnelle : l’adoption d’une loi de mise en œuvre du Statut de Rome, la réforme du système judiciaire et l’assainissement des forces de sécurité. Six ans après la publication de ce rapport, ses conclusions sont toujours d’actualité.
Pendant la période du 1er janvier 2014 au 31 mars 2016, le gouvernement de la RDC a montré sa volonté de redoubler d’efforts dans la lutte contre l’impunité pour violations ou abus des droits de l’homme. Cet engagement s’est illustré par l’adoption de plusieurs dispositions législatives et instruments institutionnels en faveur d’un meilleur fonctionnement de la justice, ainsi que par la poursuite des auteurs de violations ou d'abus graves de droits de l’homme, notamment de violences sexuelles, conduisant à la conclusion de cas emblématiques et à la condamnation des auteurs.
Toutefois, de nombreux obstacles à une justice efficace persistent. Le cadre juridique reste insuffisant, et le manque d’indépendance et de ressources du système judiciaire demeurent des entraves importantes à la poursuite d’auteurs de violations et abus des droits de l’homme. Les difficultés à traduire en justice les auteurs de ces violations et abus et à assurer l’exécution de leurs peines ont également un impact néfaste sur la protection des victimes et des témoins, pour lesquels le cadre juridique est quasiment inexistant.
Durant la période examinée, diverses initiatives et le plaidoyer public menés par les autorités congolaises avec le soutien de la communauté internationale se sont traduits par au moins 231 condamnations d’agents de l’Etat pour des violences sexuelles liées au conflit. De plus, selon les informations à la disposition du BCNUDH, au moins 447 éléments des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et 155 agents de la Police nationale congolaise (PNC) ont été condamnés pour des faits constitutifs de violations des droits de l’homme. Malgré ces efforts remarquables, et compte tenu des difficultés structurelles et financières affectant le système judiciaire, le nombre de condamnations reste faible par rapport aux 4.032 violations des droits de l’homme commises par les agents de l’Etat. Ceci, parmi d’autres facteurs, montre que l'incapacité à punir de façon effective les violations des droits de l'homme contribue à leur perpétuation.
S’agissant des groupes armés, le BCNUDH a documenté au moins 3.356 abus des droits de l’homme commis par des combattants présumés appartenir aux différents groupes armés opérant sur l’ensemble du territoire pendant la période sous revue. Pourtant, seuls 28 membres de groupes armés ont été condamnés pour des faits constitutifs d'abus de droits de l’homme pendant cette même période.
Le rapport conclut ainsi que malgré des progrès notables dans les efforts de lutte contre l’impunité, un très faible nombre d’agents de l’Etat, particulièrement de hauts gradés, et de chefs et autres éléments de groupes armés, sont poursuivis en justice et condamnés par rapport au nombre important de violations et abus documentés par le BCNUDH. Le rapport formule des recommandations visant à appuyer le gouvernement à relever ce défi et appelle en particulier à la mise en œuvre de réformes institutionnelles et législatives ainsi qu’à l’expression publique de la volonté politique de traduire en justice tous les responsables de violations et abus de droits de l’homme, agents étatiques comme éléments de groupes armés, en vue de mettre fin à l’impunité.