Bujumbura, Burundi | AFP | mardi 21/07/2015 - 06:35 GMT
par Esdras NDIKUMANA / Aymeric VINCENOT
Deux personnes ont été tuées dans la nuit de lundi à mardi à Bujumbura où explosions et tirs ont résonné toute la nuit avant l'ouverture d'un scrutin présidentiel controversé qui devrait offrir un troisième mandat au président Pierre Nkurunziza.
Selon un responsable de la police ayant requis l'anonymat, un policier a été tué dans la nuit par l'explosion d'une grenade dans le quartier de Mutakura (nord) tandis qu'un civil a été abattu par balles à Nyakabiga (est) dans des circonstances inconnues, d'après des témoins.
Une explosion suivie de tirs ont été entendus mardi matin peu avant l'ouverture des bureaux de vote dans le quartier de Musaga (sud de Bujumbura), selon un journaliste de l'AFP et plusieurs habitants.
Willy Nyamitwe, principal conseiller en communication du président Nkurunziza, a dénoncé des "actes terroristes", visant à "intimider les électeurs".
Quelque 3,8 millions de Burundais sont appelés aux urnes pour un scrutin sans suspense boycotté par l'opposition, et jugée non crédible par la communauté internationale.
Deux heures après l'ouverture du scrutin, l'affluence devant les bureaux de vote, dont certains ont ouvert en retard, était extrêmement faible, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Il est encore trop tôt, il y a eu beaucoup de tirs cette nuit", a expliqué une membre de la commission électorale nationale indépendante (CENI).
Le scrutin est boycotté par l'opposition qui dénie le droit à M. Nkurunziza - élu en 2005 et en 2010 - de briguer un nouveau mandat et dénonce un "simulacre d'élection", dont elle a demandé sans succès le report.
A l'école Saint-Etienne, dans le centre-ville de la capitale, dès la sortie de l'isoloir, certains votants se ruaient vers une fontaine d'eau afin d'effacer l'encre de leur doigt pour éviter les représailles de la part de ceux qui boycottent le scrutin.
"On efface l'encre car les gens ne veulent pas qu'on vote", confiait un électeur burundais.
"Je ne veux pas retourner dans mon quartier avec de l'encre sur le doigt", confirmait une autre électrice dans le quartier de Gyosha, au nord-est de la capitale.
A quelques heures de l'ouverture du scrutin, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé les autorités burundaises à "tout faire pour assurer la sécurité et la tenue pacifique" de l'élection présidentielle.
Il invite "toutes les parties à s'abstenir de commettre toute forme de violence qui pourrait compromettre la stabilité du Burundi et de la région".
La candidature de M. Nkurunziza a plongé depuis fin avril le Burundi dans une profonde crise politique, émaillée de violences qui ont fait plus de 80 morts.
- 'Pluralisme de façade' -
Après la très large victoire sans surprise du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, aux législatives et communales du 29 juin, déjà boycottées par l'opposition, la victoire de M. Nkurunziza ne fait aucun doute, selon les observateurs.
En face, ne restent que trois candidats issus de petites formations réputées alliées au pouvoir, en plus de son principal opposant, Agathon Rwasa, qui n'a pas retiré officiellement sa candidature, mais conteste à l'avance la légitimité du scrutin et dit n'avoir pas fait campagne.
Les trois autres candidats enregistrés - Jean Minani, président du parti Frodebu-Nanyuki (opposition), et les deux anciens chefs de l'Etat Domitien Ndayizeye et Sylvestre Ntibantunganya, tous trois opposés à un troisième mandat de M. Nkurunziza - se sont retirés de la course, dénonçant "une mascarade" et une élection "pas aux normes (...) internationales".
"Malgré un pluralisme de façade, il s'agit d'une élection à un seul candidat dont les Burundais connaissent déjà l'issue", a commenté Thierry Vircoulon, de l'International Crisis Group (ICG).
Les manifestations sont interdites et brutalement réprimées depuis fin avril, parfois à balles réelles, les médias privés sont réduits au silence, journalistes et opposants se terrent ou sont en exil, l'atmosphère d'intimidation est généralisée, entretenue notamment par les imbonerakure, les jeunes du CNDD-FDD, qualifiés de "milice" par l'ONU.
Pour de nombreux observateurs, il est acquis que M. Nkurunziza obtiendra son troisième mandat mardi, mais les lendemains de victoire risquent d'être compliqués, avec un Burundi divisé, isolé sur la scène internationale et privé d'une aide extérieure cruciale alors qu'il figure parmi les dix pays les moins développés au monde.
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